Article Le Télégramme Publié le 23 janvier 2022
Deuxième volet de notre série consacrée aux entreprises familiales du secteur, avec la boulangerie-pâtisserie Le Mercier. Une maison fondée au… XIXe siècle et qui n’a jamais bougé de la rue Saint-Martin.
Mettons fin au suspense tout de suite : il n’y aura pas de cinquième génération de boulanger Le Mercier au numéro de 10 de la rue Saint-Martin. « Ma mère voulait que je sois informaticien et c’est finalement mon fils qui l’est devenu… », annonce avec le sourire Philippe Le Mercier ; un homme presque né dans la boulangerie familiale, comme son père Bernard et son grand-père Henri. Un passionné, aussi, tombé dans le pétrin tout petit. « Dès 5 ou 6 ans, je confectionnais des beignets que je vendais les jours de marché devant la boutique ».
Car Philippe Le Mercier est issu d’une longue descendance de boulangers lamballais. « À la fin du XIXe siècle, les premiers propriétaires étaient les oncles des Le Mercier, les Caresmel », retrace Josiane, la maman de Philippe. C’est en 1900 que Julien Le Mercier acquiert le commerce avec sa femme Marie Lavigne. « C’était une femme toute menue. Elle a eu 18 enfants et est morte à 100 ans, alors qu’elle devait être décorée de la Légion d'honneur une semaine plus tard », souligne Josiane Le Mercier. Depuis, trois autres générations de Le Mercier, maris et femmes, se sont donc succédé dans la boutique.
Des centaines de croissants vendus à la gare aux estivants
Ici, les baguettes fraîches ont depuis longtemps remplacé les pains de 12 livres cuits, jusqu’en 1965, dans le four à mazout. Des pains à la croûte épaisse et noircie, « afin de faciliter la conservation de la mie. Car les clients les achetaient huit jours à l’avance », précise Josiane Le Mercier.
Bernard, son mari, a monté le laboratoire de pâtisserie en 1967. Son fils Philippe s’y est épanoui, lui qui a commencé à travailler dans l’affaire familiale dès la fin des années 1970. Une époque où la boulangerie Le Mercier pouvait vendre jusqu’à 1 000 croissants, à l’aube d’un week-end du 15 août. Les clients ? Les estivants descendant en gare de Lamballe, à 5 h du matin, avant de gagner la côte. Autres clientèles aujourd’hui disparues : les 80 palefreniers du quartier Saint-Martin ou les établissements scolaires, qui font désormais appel à la grande distribution pour le pain.
« Mon père m’a enseigné le goût du bon »
Le rythme de travail a également beaucoup évolué au fil des décennies. « Mon beau-père pétrissait le pain à 21 h pour lui laisser le temps de lever dans des armoires en bois. Car il n’y avait pas de chambre de fermentation. Et mon mari se levait ensuite à 1 h pour prendre le relais », se souvient ainsi Josiane Le Mercier. « Désormais, un seul membre de l’équipe démarre à 4 h du matin », précise son fils, qui s’est très tôt spécialisé dans la pâtisserie et le chocolat : « J’ai appris lors de stages auprès des plus grands, notamment Gaston Le Nôtre », expose Philippe Le Mercier, également reconnaissant envers son père : « Lui m’a enseigné le goût du bon », salue le boulanger qui met un point d’honneur à utiliser des produits locaux et à tout fabriquer sur place.
Mais la longue histoire familiale autour de la boulangerie de la rue Saint-Martin va donc s’achever prochainement. « Je devrais quand même être à la retraite depuis un an et demi », s’amuse Philippe Le Mercier qui, le jour de la vente, partira la tête haute. « On a fait de belles choses ici. Le tout en conservant la qualité première de ce métier : la générosité ».
Photographie: Josiane Le Mercier et son fils Philippe, tous deux héritiers d’une longue tradition familiale commencée au numéro 10 de la rue Saint-Martin au XIXe siècle. Aujourd’hui, l’entreprise compte deux magasins à Lamballe et emploie quatorze personnes. « C’est une des belles boutiques du département », se réjouit le patron. (Le Télégramme/Julien Vaillant)