Chez Marie-Jeanne, la livraison se fait de la ferme à la maison et « c’est bon »

Ouest France, le 7 avril 2020, Soizic Quéro.

À la Ferme de Marie-Jeanne, basée à Andel (Côtes-d’Armor), on y pensait déjà un peu à la livraison à domicile. Quand le tocsin a sonné la fin des marchés, l’équipe s’est adaptée sans tarder. Dès le lendemain, il était possible de commander volailles, colis de viande, fruits et légumes ou produits laitiers de chez soi. Les habitués ont saisi la perche, mais aussi les nouveaux clients. Carnet de livraison, dans le sillage du chauffeur Loïc.

Le soleil s’est déjà levé sur la Ferme de Marie-Jeanne, à Andel. Ici, les volailles sont élevées en plein air. Le magasin est ouvert. Gérald fait un premier retour à sa voiture pour déposer ses produits. À quelques pas de là, les poules parrainées par des particuliers gambadent dans leur parc. Le trentenaire meslinois a l’habitude de « consommer local ». Hop, il glisse ses légumes dans son sac en tissu.

Coline, la belle-fille de Marie-Jeanne Avril, patronne emblématique de la ferme, a le téléphone vissé à l’oreille. Elle appelle pour préciser « l’heure de passage du livreur et le montant de la commande ». Ce matin, Loïc va sillonner le grand Lamballe. Coup de fil ou SMS. C’est à la chaîne. « En ce moment, on vit ici », rigole Coline.

« Pour survivre, on n’a pas le choix »

Sur son bureau, des masques en tissu aux notes végétales, confectionnés par des couturières locales. « Merci », murmure Coline. L’élan de solidarité réchauffe les cœurs, donne de la bonne humeur en ces temps de confinement. « Beaucoup de personnes âgées ont appelé quand elles ont eu connaissance du lancement de la livraison à domicile. » Un nouveau service lancé dans l’urgence, après l’annonce de la fin des marchés.

« Pour survivre, on n’a pas le choix. Les professionnels en moins et l’arrêt des marchés, ça englobe presque 50 % du chiffre d’affaires. La livraison ne va pas compenser, mais limiter la casse. On pensait lancer ce dispositif cette année. Le contexte épidémique a accéléré le projet. » Réactivité et efficacité. Une vague de 450 SMS a effleuré les fidèles.

« On vous prépare tout ça ! »

Un dessin de sa fille Marilou, 3 ans et demi, orne le pan de mur, près de son ordinateur. « Nous, c’est l’école au travail. On s’adapte. » Exercice pratique « pour compter les cochons ou les œufs ». Victor, 18 mois, lui, est chez sa nounou. « La Ferme de Marie-Jeanne, bonjour ! Oui, je vous ai appelé pour la livraison. Vous en avez pour un montant de 69,54 €. On vous prépare tout ça ! » Une frénésie de sonneries comparable « à la période de Noël, ça explose ».

Il livre de Saint-Quay-Portrieux à Plancoët

Il est presque 10 h 30. Sweat bleu, sourire accroché au visage, Loïc débarque dans le bureau. « J’ai déjà livré des professionnels à Mordelles (Ille-et-Vilaine) et Erquy. » Livrer des particuliers dans le Penthièvre, c’est jouer à domicile. Mais le livreur roule sans compter, quatre jours par semaine, de Saint-Quay-Portrieux à Plancoët. De la volaille, des légumes… « On sent que les enfants sont à la maison. » Et on fait de la pâtisserie en famille. Rupture de farine ici aussi. « Notre fournisseur est débordé ! »

C’est le bal des colis gris

Dring. Madame rappelle pour modifier sa commande. Elle s’excuse car elle ne veut « pas abuser ». Coline constate les changements de consommation. « Certains faisaient leurs courses tous les deux jours. Ils n’avaient pas l’habitude d’anticiper. » La nouvelle mécanique du confinement se rode. Effet balancier dans les coulisses de la ferme, où une partition millimétrée se met en place. Entre les bons de commande, les caisses à préparer et à charger… Chacun a son rôle. Anne-Flore, la fille de Marie-Jeanne, ouvre la porte de la camionnette réfrigérée. C’est le bal des colis gris.

À l’entrée du bourg, un instantané déconfiné

11 h. Loïc tourne la clé de contact. C’est une grosse tournée. Départ pour Coëtmieux. Le champ de colza jaune contraste avec le bleu du ciel printanier. Les arbres reprennent le vert de la vie. La nature prend des couleurs. La camionnette file sur les petites routes de campagne. À gauche, un tracteur dans une parcelle. À droite, du linge sèche au vent. Un instantané déconfiné d’une entrée de bourg. Armé de son smartphone, Loïc n’a pas localisé la rue à livrer. Il s’arrête à proximité de la boulangerie pour demander son chemin. Les clients attendent à l’extérieur. La bonne adresse, c’est un nouveau lotissement en réalité.

« Un service en plus et un confort »

Quelques centaines de mètres plus loin, le livreur sonne à la porte d’une maison récente. Mikaël ouvre. Le trentenaire bosse dans la valorisation énergétique des déchets. Premier jour de télétravail pour le papa d’une fillette de 2 ans, qui babille au loin. « Nous sommes déjà des clients de Marie-Jeanne. La livraison est un vrai service en plus. C’est un confort et on peut ainsi continuer à consommer des produits de qualité tout en étant confinés. » Un chèque et l’affaire est dans le sac.

« Oh, ça fait longtemps que je suis cliente »

Direction Pommeret. Le GPS ne trouve pas, une nouvelle fois, l’adresse. Loïc téléphone à la cliente. « Où habitez-vous exactement ? Je pars de Coëtmieux… » Quelques indications, doublées de repères, la boussole le conduit au bon endroit. « À la fin de la journée, j’aurai 300 à 400 km sous le capot. » Loïc se gare à l’entrée de chez Monique (prénom d’emprunt), 79 ans. Des persiennes bordeaux habillent la fenêtre qui s’ouvre. « Oh, ça fait longtemps que je suis cliente, raconte Monique, en fouillant dans sa mémoire. Depuis le début je crois ! »

La fidèle retraitée, vêtue d’une blouse à carreaux, récupère son sac bien garni. « Des cuisses de poulet, des escalopes de dinde…. J’ai découvert le lancement de la livraison dans mon journal, Ouest-France. Y a du travail ? » demande Monique en s’adressant à Loïc. « Ah oui, répond l’intéressé. Il faut écouler la marchandise. » Elle reprend : « Et la livraison va-t-elle continuer ? Les gens vont s’habituer… Je conduis encore, mais si je devais arrêter, cela ne me dérangerait pas. » Monique vit avec son mari. « Nous sommes obéissants. Nous restons à la maison. On n’a pas à se plaindre. On est à la campagne. On a un grand jardin ! »

« On se rend service dans les deux sens »

Monique n’est pas la première à poser la question de la poursuite de la livraison. « On rend service et les clients nous rendent service, ça marche dans les deux sens, lâche Loïc. Les mercis n’arrêtent pas ! C’est impressionnant. » Le livreur pense déjà à son prochain client. La tournée est loin d’être finie. Ce jour-là, près d’une quarantaine de commandes sont arrivées à bonne destination.

En savoir plus sur la ferme de Marie Jeanne  

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